Beaucoup d'émotion

 


Bonjour à tous, 

Le temps passe à vive allure et me revoilà pour vous donner des nouvelles… enfin ! nous sommes le 3 juillet 2024, ça a fait 3 mois jour pour jour que je suis partie de Rome juste après l’audience papale. J’ai emprunté la via Francigena jusqu’à Sarzana pour ensuite emprunter la via Della Costa jusqu’à rejoindre Menton. Puis j’ai franchi la voie Aurelia pour enfin arriver à Arles, à Montpellier, à Toulouse, à Auch et je suis arrivé aujourd’hui à Morlaàs dans les Pyrénées Atlantiques après 92 jours de marche, 1880 km et environ 23000 mètres de dénivelés. La fatigue est toujours aussi présente, mais, comme si mon corps en demandait toujours plus mes étapes sont de plus en plus grosses. Les nuits de sommeil sont courtes, les douleurs musculaires font parties de mon quotidien ainsi que mes blessures causées par l’emboiture de ma prothèse, mais j’arrive à les gérer grâce à la détermination que m’offre le chemin, grâce à la force que Dieu me donne chaque jour.

            La voie d’Arles, contrairement à ce que je pensais, est très peu fréquentée en ce mois de juin. Depuis que j’ai quitté Montpellier je suis seul à marcher pendant la journée et il est rare que je trouve des pèlerins une fois arrivé dans mes différents gîtes ce qui me pèse par moment.  Le week-end du 15 juin mon fils, Maxence, est venu me rejoindre à Lunas pour m’accompagner sur une étape, nous devons parcourir 26 km et 2000 mètres de dénivelés. La journée va être compliquée à gérer, nous partons de bonne heure et les premiers kilomètres me sont très pénible, le sentier est très rocheux et je suis obligé de prendre sur moi pour évoluer à petit pas afin de surmonter toutes les difficultés. Au bout de quelques heures nous arrivons sur une grande allée forestière, ce qui rend la marche beaucoup plus agréable malgré les milles mètres de dénivelés à franchir pour arriver sur les hauteurs du col de Serviès où nous avons la joie de contempler le panorama du parc Naturel du haut Languedoc. Nous décidons de nous poser pour déjeuner avec une baguette acheter la veille et quelques tranches de saucissons. Pendant que nous déjeunons, Maxence prend la parole pour m’annoncer ses fiançailles avec Alix, quelle joie je ressens à cet instant d’apprendre cette bonne nouvelle ! je suis extrêmement ému et fier de mon fils. L’accomplissement de notre vie de couple avec Aude est désormais récompensé par nos enfants. Nous reprenons notre chemin avec beaucoup d’entrain pour redescendre vers Saint-Gervais-sur-Mare où les derniers kilomètres me paraissent interminables et épuisants pour enfin arriver à notre gîte. Maxence repart en stop pour récupérer sa voiture et aller à la messe, je n’ai pas le courage de le suivre, je dois me poser et surtout soigner mes blessures de la journée qui me font très mal. Dimanche, Maxence reprend la route dès 6h, nous nous quittons après une bonne embrassade pour reprendre chacun sa direction, cette bonne nouvelle m’a donné encore plus de force pour reprendre mon chemin sereinement.

Après la journée difficile d’hier je privilégie les petites routes pour arriver en milieu d’après-midi à Murat-sur-Vèbre. Les journées défilent à toute allure, les étapes deviennent moins rudes, mon rythme de marche est désormais bien lancé. Je traverse beaucoup de petits villages sans vie, je marche dans de nombreuse forêt où le chant des oiseaux égaye mes journées de pèlerin sans entendre aucun autre son de notre civilisation, c’est comme si j’étais dans un havre de paix.  J’arrive déjà aux portes de Toulouse, je marche le long du canal du midi à l’abri des platanes qui me protègent du soleil et de la chaleur excessive.  J’arrive vers midi au gîte de l’écluse où je fais une halte bien méritée. L’association de Compostelle est présente et me propose de déjeuner avec eux, ce que j’accepte bien volontiers, nous passons un super moment ensemble avant de reprendre mon chemin pour rejoindre la ville rose où j’arrive en fin d’après-midi après une journée de 36 km et 12 heures de marche. Je suis accueillis chez des cousins pour me poser 48h. De plus, j’ai une conférence dédicace organisée par les AFC. Il est important pour moi de me reposer au moins une fois tous les 15 jours ce qui me permet de me requinquer. J’en profite aussi pour passer chez mon prothésiste afin de régler l’emboiture de ma prothèse qui me donne de plus en plus de soucis vus que mon moignon a encore perdu beaucoup de volume, grâce à leur professionnalisme ils arrivent à trouver une solution de dépannage pour que je puisse reprendre mon chemin.

     Je quitte Toulouse bien reposé et aujourd’hui c’est une journée pas comme les autres, en effet Hervé Le Prêtre, amputé fémoral me rejoint pour la journée. J’ai eu la joie de faire sa connaissance suite à mon premier pèlerinage de 2021. C’est donc 2 Hervé, 2 bretons et 2 jambes de bois qui dévalent à bonne allures les kilomètres. A midi sa femme nous rejoint à Pujaudran avec son fourgon aménagé et nous décidons de pique-niquer en dehors du village. Nous trouvons un banc à l’ombre où nous apercevons un pèlerin, Georges de nationalité Belge. Nous nous présentons et il nous raconte pourquoi il est sur le chemin. Chef d’entreprise dans les affichages publicitaires, marié, père de 5 enfants, une vie qui se déroulait parfaitement jusqu’au jour où sa vie bascule en faisant une chute de 7 mètres. Son ange gardien était avec lui malgré qu’il soit tombé sur une dalle béton. Plonger dans le coma plusieurs semaines, il subit plusieurs opérations chirurgicales et réussi à s’en sortir au bout d’une année. L’homme fort qu’il était n’était plus le même, il rentre dans une dépression, sa vie familiale devient extrêmement difficile, il décide de tout quitter. Il vend son entreprise, une maison qu’il avait en Italie et donne tout à sa femme et ses enfants.  C’est donc sans un sous qu’il décide de partir d’Italie pour rejoindre Compostelle avec son sac à dos de 26 kg. « Si j’ai pris la décision de partir au mois de mars sur le chemin c’était pour mourir » nous dit-il. Un temps de silence s’installe et je finis par lui demander « aujourd’hui tu es toujours là… il prend son temps pour nous répondre : « Le chemin m’a sauvé et m’a fait réfléchir, désormais je tiens à la vie » quelle émotion de l’entendre parler avec son beau sourire, nous l’invitons à partager notre repas et restons une bonne heure à discuter.  Hervé et sa femme doivent nous quitter pour rejoindre la Creuse en fin de journée. Je reprends mon chemin en compagnie de Georges pour rejoindre notre étape au gîte de l’Isle Jourdain. En discutant nous nous apercevons que finalement nous nous suivions à quelques jours d’écart depuis l’Italie en empruntant exactement le même itinéraire et grâce à cette providence du chemin nous nous sommes rencontrés au bout de trois mois de marche. Nous repartons ensemble le lendemain, vu le poids de son sac à dos nous avons le même rythme de marche, nous nous dirigeons vers Giscaro où j’ai réservé au gîte le Grangé. En y arrivant j’informe Georges que c’est ici que nous allons dormir, je le vois étonné, je lui dis que ce soir je l’invite, je vois dans ses yeux des larmes d’émotion jaillir, il bredouille quelque chose mais je lui coupe la parole : « si je le fais ce n’est pas par pitié mais par plaisir d’être en ta compagnie » en effet j’ai tellement reçu lors de mon premier pèlerinage, c’est donc à mon tour de pouvoir donner un petit quelque chose aujourd’hui. Nous finissons par nous quitter le lendemain midi sous une grange agricole à l’abri de la pluie, nos adieux sont intenses en se serrant fort dans les bras. Ces 48 heures passées ensemble resteront gravées à jamais.

            Je reprends mon chemin le cœur serré en le quittant mais tellement heureux de cette belle rencontre qui marquera mon pèlerinage. Nous sommes le 3 juillet, je me lève de bonne heure en pèlerin heureux et excité comme une puce pour rejoindre Morlaàs, car en fin d’après-midi Aude me rejoint pour quelques jours de marche après 3 mois de séparation.

            L’Espagne n’est plus très loin, je n’en reviens pas, je suis fier de ce chemin parcouru. Fier de marcher tous les jours en pensant à tous les enfants bénéficiaires d’une lame de course grâce à Lames de joie ! N’oubliez pas que vous pouvez les soutenir via ce lien : https://www.helloasso.com/associations/lames-de-joie/formulaires/2  . J’ai appris par mon éditrice que mon livre «  une prothèse vers Compostelle » a été vendu 1564 fois. Un ami, Jean Philippe de Virville a composé une chanson en soutien pour moi, j’en suis très touché, voici le lien : https://youtu.be/AdEPBejbUpU?si=n9og6BP5CepRCFfo

 

Merci pour vos encouragements, pour vos messages

 

Hervé, sa prothèse et ses béquilles 🥾🦿

 

https://www.google.com/maps/d/u/0/viewer?mid=1Pg3ES-gmxzMDJ1LA3cS56vcgyQZQJ4aD&ll=42.242939695107445%2C12.384144042206596&z=11


















Commentaires

  1. Tout mon soutien et mes félicitations cher ami. Ton exemple nous oblige. Je te confie tous les miens et notre chère France

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  2. Merci Hervé pour tes nouvelles toujours aussi émouvantes et
    Riches . Tu rencontres des gens formidables comme toi et ces relations vous aident à surmonter les difficultés. Bon courage pour les étapes à venir. Amitiés. Philippe. G.

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  3. Admirative de ton dépassement quotidien sur ce chemin qui semble interminable ! Quelle force d’âme ,chapeau bas Hervé ! Nathalie L

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