Quand ma prothèse lache
Buongiorno,
Voilà
trois semaines que j’ai quitté ma chère Bretagne pour l’Italie. C’est déjà 396
km de parcouru et 5 paires de tampons de béquilles. Cette semaine du 15 au 21
avril m’a apporté quelques difficultés supplémentaire… soleil, pluie, orage, la
météo est un petit peu capricieuse. Ma prothèse a fait des siennes, m’obligeant
à m’arrêter net. Merci à Protéor pour sa réactivité. Merci à chacun d’entre
vous pour vos messages d’encouragements et de soutient.
Lundi 15, une grosse étape m’attend aujourd’hui pour atteindre Ponte d'Arbia. Je décide de partir dès 6h00, on ne va pas se mentir mais le réveil à 5h25 pique un peu. Je n’oublie pas mon traditionnel petit-déjeuner au bar du village, celui-ci me donne la force pour la balade de 27 km qui me devance. Au programme beaucoup de dénivelés positifs et négatifs. Je commence par descendre de 400 à 250 mètres avant d’atteindre Buonconvento, un charmant village haut en couleur dont les maisons en briques rouges donnent un caractère sympathique et faisant partie de la province de Sienne. Les paysages sont toujours aussi agréables, ce qui favorise la méditation ou tout simplement le fait de ne penser à rien. Depuis 2 jours je croise de plus en plus de pèlerins français, c’est tellement agréable et nous restons généralement une dizaine de minutes à parler. La journée se passe sans trop de soucis malgré la chaleur qui devient étouffante. J’aime ce paysage mêlé de vignes, d’oliviers et de magnifique alignement de cyprès. Après cette journée de 10 heures de marche je trouve mon logement pour la nuit à l’Ostello Centro Cresti, un logement assez spartiate en donativo.
Mardi 16, une belle étape s’annonce car ce soir je serai à Sienne et je suis pressé de découvrir cette magnifique ville dont j’ai déjà entendu parler. « Aude et Philippe donnez-moi la force de marcher ». Je suis surpris ce matin par la descente de température, il ne fait que 8 degrés et la météo annonce aujourd’hui 14°, ça va me changer des 27° d’hier et ce n’est pas pour me déplaire, je suis donc content de mon sort. Je pars de bon train. Les dénivelés se succèdent en douceur, c’est agréable, de plus le panorama qui s’offre à moi est grandiose. J’ai pris l’habitude de commencer mes journées par réciter mon chapelet, ça me donne une force en plus pour affronter le chemin, et si l’occasion se présente je vais me recueillir dans une chapelle ou une église. Mettre ma journée sous le regard du Seigneur, lui confier les intentions de prières que vous me donnez et me propres intentions. Je presse donc mes pas, entre forêt, oliviers, sentier caillouteux et aussi pas mal de bitume, un des inconvénients incontournables de la Francigena qui gâche un peu le pèlerinage. C’est vers 15h que j’arrive aux portes de Sienne, très marquée par ses bâtiments en briques. Une fois mon logement trouvé à l’Ostello Maria Santa Cristina et ma douche prise, je pars découvrir cette ville médiévale et me dirige vers la place Del Campo caractérisée par la forme d’un coquillage. J’en profite pour me poser en terrasse, me prendre un rafraîchissement et pouvoir admirer les bâtiments qui m’entourent, comme l’hôtel de ville gothique ainsi que la tour Mangia. Ensuite je me dirige vers la cathédrale qui est hélas fermée après 17h. Je peux tout de même l’admirer de l’extérieur. On dit qu’en fonction de l’heure de la journée, le soleil joue avec la façade. Je fini par déambuler dans les ruelles étroites de la ville et me trouve un petit restaurant pour le repas avant d’aller me coucher.
Mercredi 17, à mon réveil je ne suis pas mécontent de voir qu’aujourd’hui est une petite étape pour rejoindre Monteriggioni, 20 km mais surtout avec très peu de dénivelés, ce qui me change des jours précédents. C’est un chemin très agréable, je marche dans des forêts, principalement de chênes verts sans oublier la vue sur les oliveraies et le paysage toujours aussi attrayant qui donne de la joie dans ma marche du jour. J’observe les cyprès d’Italie, qu’on appelle aussi les cyprès de Florence qui ont un alignement tiré aux cordeaux. Du reste quant à côté d’une maison on voit deux cyprès plantés côte à côte, cela veut dire aux voyageurs qu’ils sont invités à boire et à manger, quand il y en a trois il est proposé de rester dormir… Je n’ai pas encore osé appliquer cet adage. Les heures défilent au rythme de mes pas qui se fatiguent un peu surtout quand touche la fin de l’étape. J’arrive enfin à Monteriggioni un magnifique village complètement fortifié. La place principale est dominée par une église romane très dorée à l’extérieur comme l’intérieur. L’Ostello se situe juste à côté, je suis rejoint par deux allemands et nous dînons ensemble dans la cuisine commune où chacun s’est affairé afin de diner convenablement.
Petite interlude : les langues étrangères ne sont pas mon fort, je ne peux donc pas parler à chaque personne que je croise de Lames de joie, cette association qui me tient tant à cœur. Allez voir sur leur page les témoignages sont si encourageant. Grâce au prêt d’une lame, Manon a pu courir sous premier trail de 6km, même sur ses deux jambes elle n’avait jamais fait de course. Comme elle le dit si bien « ouais je l’ai fait ». Quand je serais en France je pourrais être un autre ambassadeur de l’association et en parler à plus de personne. N’hésitez pas à faire un don, à en parler autour de vous. https://www.helloasso.com/associations/lames-de-joie/formulaires/2
Jeudi 18, la semaine dernière je vous disais que je me souviendrais longtemps de la journée du 12 avril, je crois que cette phrase peut s’employer de nouveau pour ce 18 avril. Après le soleil, place à la pluie et à l’orage. C’est serein que je quitte Monteggironi dès 6h00, une grosse étape de 32 km m’attend et j’ai envie de la tenter. Grâce à ma super application je choisi la variante qui paraît un peu moins difficile et un peu plus courte. Après une bonne descente, j’affronte les dénivelés qui se font ressentir sur mon mollet unique, mais je suis toujours éblouie par les paysages qui me donnent la persévérance suffisante à la poursuite de mon périple. C’est entre forêt de chênes vert et quelques charmes que je continue ma progression. Je suis sur des sentiers très rocailleux qui rendent ma marche périlleuse, ces chemins me demandent une concentration accrue, je dois fournir des efforts importants en levant ma prothèse suffisamment haute afin d’éviter de trébucher, notamment dans les descentes importantes. Le temps devient maussade et quelques coups de tonnerre se font entendre au loin… Il est midi et j’arrive à Quartaie, je décide de me poser pour me restaurer avant d’affronter les 12 derniers kilomètres. Un peu fatigué, je flâne une petite heure avant de me décider à repartir, il est annoncé un orage et de la pluie vers 17h. C’est donc d’un bon pas que je reprends ma route, mais l’orage commence à gronder sérieusement et est vite suivit de la pluie. Je mets rapidement ma housse du sac et ma veste de pluie sans prendre le temps de mettre mon pantalon de ciré. Je prends la direction d’un petit sentier très rocailleux, au milieu de la forêt, sous une pluie intensive, j’aperçois au loin un dénivelé important à ne pas en finir. Les rochers laissent la place à un chemin de terre très boueux et collant, j’arrive à peine à lever ma prothèse tellement elle est lourde. J’essaye d’avancer tant bien que mal sur cette pente très glissante mais je m’aperçois très vite que je recule plus que j’avance. Je prends donc la décision d’escalader un talus qui me semble plus adapté à ma situation d'éclopée. En 1h je n’ai parcouru que 2 km et enfin je me retrouve sur du dur. Le plus difficile reste encore à faire, un gros dénivelé sur environ 3 km me nargue. C’est vers 19h que j’atteins péniblement l’agglomération de San Gimignano. Il me reste environ 2 petits kilomètres avant d’atteindre mon étape sous une pluie torrentielle. Épuisé mais fier d’avoir réussi ce défi je continue d’un pas un peu trainant. Une voiture s’arrête à ma hauteur, un homme sort, ouvre son coffre, vient vers moi et sans me demander quoi que ce soit s’empare de mon sac à dos et me dit de monter dans sa voiture. Je ne demande pas mon reste et lui obéi immédiatement. Il me demande où je loge et me conduit directement à mon logement. Je le remercie grandement avant d’être accueillis par mes hôtes dans un lieu idyllique. J’ai le privilège d’avoir un lavement des pieds et de passer une soirée extraordinaire en leurs compagnie. Petit bonheur en plus dans cette journée, un autre pèlerin français est avec nous, je peux vous dire que nous avons fait honneur au repas en mangeant comme dix.
Vendredi 19, je me suis autorisé une grasse matinée jusqu’à 7h30 ce matin, j’ai dormi d’un sommeil de plomb qui fait du bien. Aujourd’hui je n’ai que 13km à faire. Après un petit déjeuner frugal je quitte mes hôtes avec un peu de regret tellement ils sont sympathiques. Avant de prendre le chemin, je visite ce magnifique village très côtoyé par les touristes. C’est donc vers 10h que je me décide à quitter San Gimignano pour me diriger vers Gambassi Terme. Contrairement à la veille la journée est bien ensoleillée et c’est entre forêts, vignes et oliviers que j’arrive tranquillement vers 16h00 au monastère Sigerico, un lieu magnifique où j’en profite pour faire mon linge et me reposer de ma journée rude d’hier.
Samedi 20, après la petite étape d’hier, place à une plus grande aujourd’hui, 24 km, qui s’annonce assez difficile à crapahuter. Je pars à 6h30 d’un pas bien décidé mais je m’aperçois vite que quelque chose cloche sur ma prothèse, mon pied traîne par terre quand je marche. J’ai eu une alerte hier en descendant une pente importante car mon genou se déverrouillait sans prévenir. Je fais à peine 1 km que je suis déjà obligé de remettre correctement mon emboiture. Vers 8h je téléphone à Sylvain, mon prothésiste, qui a la gentillesse de me répondre malgré qu’il soit en week-end. Nous essayons de la calibrer grâce à l’application qui est sur mon portable, mais rien n’y fait et de plus je capte très mal internet. Je continue malgré tout mon chemin, à midi je m’arrête, en 6h de marche je n’ai effectué que 9km. Je suis épuisé, je ne peux plus avancer dans ces conditions, un peu dépité je prends la décision de faire du stop jusqu’à San Miniato. Mais c’était sans compter sur le fait qu’il n’y a que très peu de voitures qui passent et personne ne s’arrête, au bout d’une heure l’orage et la pluie commencent à arriver. Je suis à l’arrêt à côté d’une maison, le monsieur me propose d’appeler un taxi, après réflexion j’accepte, bien que déçu. Après une attente d’une demi-heure le taxi arrive pour me déposer à mon étape pour la modique sommes de 60€. Il est 17h, je suis dans mon hébergement, bien tracassé par la situation. Est-ce la fin de mon pèlerinage ? ce n’est pas envisageable. Je me sens fatigué et abattu, je prends donc la décision de ne pas marcher demain afin de trouver une solution pour résoudre le problème technique de ma prothèse sachant que si je ne trouve pas je risque d’être bloqué plusieurs jours sur place. Cela ne m’empêche pas de passer une superbe soirée entre 11 pèlerins de tous horizons, Français, Suisse, Hollandais et Australien. Les plats proposés, les rires et le vin animent cette bonne tablée.
Dimanche 21, j’ai passé une bonne nuit, mais
sans grasse matinée, étant arrivé le dernier
hier j’ai dormi dans la salle commune, ce qui m’a valu un réveil à 6h30 par le
propriétaire. Etant réveillé et avec lui je me propose pour préparer le petit
déjeuner et à 7h tout le monde était autour de la
table une dernière fois avant que tous les pèlerins partent vers 8h. Ma mission maintenant est ma prothèse. Mon super
prothésiste a trouvé la solution : réinitialiser mon genou ! Dit
comme ça c’est comme ci il y avait un bouton « reset ». Il m’a envoyé
l’application et le code d’accès qu’il utilise. Je me trouve un endroit où je
capte parfaitement internet et je mets en route le protocole de configuration.
En quelques minutes je sens que mon genou commence à réagir correctement et mon
portable me confirme cette sensation : OK ! Ouf, je remarche
correctement et le pied ne frotte plus au sol. Je profite de cette application
magique pour améliorer quelques calibrations de la résistance à la remontée du
talon ainsi qu’à l’extension du genou et bien sûr je n’oublie pas d’enregistrer
les données sur l’option randonnée. Je suis d’un coup soulager et opérationnel
pour repartir demain dans de bonnes conditions. Roberto, le propriétaire m’accompagne
à la messe en voiture dans une magnifique Eglise. A la fin de la messe je reste
dans le centre-ville où je déjeune tranquillement et profite pour visiter cette
ville, ça en vaut le détour. Je fini par rentrer dans l’après-midi et me
repose, la soirée est super sympa avec deux pèlerines Hollandaises et un
Français nommé Victor qui fait la Francigena en courant !
Une semaine bien remplie comme je les aime !
Lundi 22, aujourd’hui étape
de 29 km que je décide de diviser en deux. La journée commence sur les chapeaux
de roues entre pluie, soleil, orage et grêle. J’ai dû escalader une barrière de
sécurité pour descendre un talus 8m plus bas, escalader un arbre au milieu d’un
sentier… Mais la suite la semaine prochaine.
Je vous souhaite une
belle semaine à tous,
Hervé, sa prothèse et ses béquilles 🥾🦿
Merci Hervé pour ces nouvelles hebdomadaire. Très passionnant de suivre ton pèlerinage, comme pour le premier. Je te souhaite bon courage et prend soin de toi quand même. A la semaine prochaine. Philippe G.
RépondreSupprimerSalut Hervé, Bravo, continue comme ca ! Petite remarque concernant les langues étrangères et l’association "Lames de joie ». Tu devrais leur demander de te traduire un petit laïus en anglais, italien, espagnol et en allemand que tu pourrais tendre (en photos ou écrit sur ton portable) à ceux que tu croises pour leur donner des explications ! Bonne suite, Eric du P.
RépondreSupprimerMerci Hervé pour nous partager tes émotions, tes belles rencontres, ces beaux paysages que tu découvres, et tes déboires aussi parfois.
RépondreSupprimerJe lis tes récits le midi, au restaurant en général, et je m’évade au fil des lignes, avec l’impression de manger avec toi en pleine nature. Tu alimentes ma foi dans les capacités de l’homme à se surpasser, à être résiliant, à s’adapter. Quel parcours !
Continue de nous enchanter et bonne route.
Thierry D
Merci Hervé de partager avec nous tes joies et tes épreuves .. j'ai envoyé avec plaisir ma participation à Lames de joie .. Bonne route à toi .
RépondreSupprimerCatherine H
Merci Hervé de cet envoi à mon endroit sur l'exemplaire d'UNE PROTHESE VERS COMPOSTELLE ,remis hier par Aude.
RépondreSupprimerQuel extraordinaire périple que le tien sur le Chemin de Notre Seigneur.
🙏
Tu avances bien. Félicitations. Tu dois être en train de marcher sur des chemins que Véronique et moi avons fréquentés l'an passé. Courage à toi. Nous, nous sommes en Martinique avec tous nos enfants et petits enfants pour fêter nos 40 ans de mariage et mes 70 ans. Aujourd'hui, je ne sais pas si je reprendrai la marche. Chacun son tour. À bientôt.
RépondreSupprimerBonjour Hervé,
RépondreSupprimermerci pour tes notes de voyages qui nous permettent de t'accompagner et de voyager avec toi.
En union de prières, pour toi, ta famille et l'association Lames de joie,
Un de tes (nombreux) amis bretons.